jeudi 1 mars 2012

Black Narcissus (le narcisse noir)


"- Distracting?
- Yes, disturbing."

 - film - 2889_11
Parmi la remarquable série de films produits et réalisés au cours des années 1940 par le duo Michael Powell-Emeric Pressburger, Black Narcissus occupe une place singulière. Moins d'ailleurs par son apparent exotisme que par sa nature narrative et sa tonalité. Habitués à co-signer des scénarii originaux, les deux cinéastes britanniques optent cette fois (et plusieurs suivantes) pour une adaptation, la première d'un roman de l'écrivaine Rumer Godden élevée au Bengale colonial. Il existe pourtant une relative "parenté" avec A Matter of Life and Death et The Red Shoes qui l'entourent. Celle de la difficulté à (ré)concilier le corps et l'âme, de l'existence d'une puissance inexprimable à laquelle on ne peut résister. L'intérêt principal de Black Narcissus réside toutefois davantage dans ses qualités visuelles (la photographie de Jack Cardiff et les décors d'Alfred Junge ont été récompensés par un "Oscar") qu'à travers le récit lui-même.
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Couvent des servantes de Marie (Calcutta). Convoquée par la mère supérieure, sœur Clodagh est chargée par son ordre de créer une école et un dispensaire dans le palais de Mopu mis à disposition par le général Toda Rai. Située sur un piton rocheux et venteux face aux montagnes himalayennes, cette vaste bâtisse avait autrefois abrité les épouses du père de Rai avant d'être brièvement occupée par des frères d'une congrégation religieuse. Accueillies par Angu Ayah, la gardienne du lieu, les cinq nonnes s'installent et entament leurs travaux respectifs avec l'aide de Mr. Dean, l'agent britannique local. Malgré son rôle sincèrement constructif, celui-ci reste néanmoins convaincu du départ des sœurs avant le début de la saison des pluies. Dean leur confie l'éducation d'une jeune et belle orpheline de dix-sept ans, Hasanphul surnommée 'Kanchi', réputée pour semer la discorde. Sans en comprendre la raison, sœur Clodagh se remémore bientôt des épisodes de sa jeunesse en Irlande, à une époque où elle croyait être destinée à épouser son séduisant voisin Conrad. Malgré ses réticences initiales, elle accepte d'accueillir le jeune général et prince Bahadur, neveu de Toda Rai, avide de culture générale.
 - film - 2889_33
"... Ignore it or give yourself up to it." L'essence de Black Narcissus(1) est condensée dans cette alternative, incarnée symboliquement par Mr. Dean et le contemplatif, mutique Holy Man. L'espace vertigineux dans lequel se meuvent (s'émeuvent) les personnages féminins de cette fiction se trouve ainsi compris entre un certain détachement cynique et un intangible idéalisme mystique. Cet étonnant dualisme se révèle en outre bien plus prégnant que celui de la foi et du reniement ou encore que cette charge érotique(2) souvent évoquée (en premier lieu par Michael Powell) à propos du film. Le sentiment (amour, jalousie, culpabilité...) n'y pénètre du reste que par effraction. La perceptible teinte irrationnelle, presque fantastique, qui le nuance au cours du dernier tiers du métrage en constitue sans doute l'élément le plus singulier et captivant. En particulier grâce à la saisissante interprétation de Kathleen Byron dans son premier rôle significatif.
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1. assurément très dissemblable des futurs Heaven Knows, Mr. Allison de John Huston, également avec Deborah Kerr, et The Nun's Story de Fred Zinnemann.
2. à l'exception, peut-être, des tenues légères et négligées que revêt Mr. Dean.



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