"Miles a souvent regardé en arrière, mais il est toujours allé de l'avant"
Miles Davis
est probablement l'un des musiciens qui ont le plus marqué et influencé
la musique moderne du XXe siècle. Constamment innovateur, exceptionnel
découvreur de talents, on peut dire qu'il était, à partir des années 60,
l'homme par lequel le jazz se faisait.
Le film de Mike Dibb,
réalisé pour la télévision britannique, est très instructif sur l'homme
et le musicien Miles. Les trois grandes périodes de sa carrière sont
présentées et analysées : la naissance du musicien sous l'influence et
avec le soutien de Charlie Parker, Dizzy Gillespie ou Clark Terry dans
le East St Louis confronté à ses problèmes raciaux. La période Cool qui démarre en 1949 et voit le début de sa prolifique collaboration avec Gil Evans, sa participation au film de Louis Malle Ascenseur pour l'échafaud,
la formation du quintet avec John Coltrane et l'introduction, en 1959,
du jazz modal. Puis la période électrique, à partir de 1969, et la
formidable éclosion, sous l'impulsion du maître, de jeunes musiciens qui
ont forgé le jazz de la seconde moitié du siècle dernier et font encore
l'actualité.
On pourrait s'attendre à un portrait hagiographique, idéalisant l'homme
et le musicien. En réalité, le trait est fidèle, parfois peu
complaisant*, n'oubliant pas les aspects les moins valorisant comme la
drogue, le machisme, l'obsession sexuelle ou le côté un peu pathétique
des dernières années de Miles. Le film repose sur la présence de
témoignages essentiels pour comprendre l'homme et le jazzman - la
famille (compagnes, épouses, enfants ou parents), les mentors (Clark Terry, Dizzy Gillespie), les producteurs (Bob Weinstock et George Avakian), biographe (Ian Carr) ou musiciens (Shirley
Horn, Jimmy Cobb, Herbie Hancock, Ron Carter, Keith Jarrett, John
McLaughlin, Marcus Miller... curieusement, Wayne Shorter, l'un des plus
dignes héritiers de Miles, n'apparaît pas) - et sur les images
d'archives. L'alternance est intelligemment menée, le portrait se
précise, bien sûr dans sa chronologie, mais aussi dans sa psychologie.
La présence d'entretiens, rares, avec Miles est un atout supplémentaire.
Au terme de ces plus de deux heures de film, on en sait un peu plus sur
ce musicien riche, complexe et énigmatique qu'était Miles Davis.
On peut néanmoins regretter que l'oeuvre de Miles ne soit pas, hormis Jimi Hendrix, resituée dans sa contemporanéité musicale (Gerry Mulligan, Chet Baker, Dave Brubeck, Charles Mingus...).
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