Génération volée
Le colonialisme est une vision unilatérale du monde. Il repose sur la certitude de faire le Bien (ou de pseudo bonnes intentions) et justifie toutes les horreurs. Comme celle d'enlever des enfants à leur mère pour les "éduquer".
Commençons par le début : en 1859, un agriculteur du sud de l'Australie,
importe 12 lapins de son pays d'origine, l'Angleterre, pour la chasse.
En 1931, époque où se déroule les événements authentiques du film Rabbit-Proof Fence ,
ils sont près d'un milliard. Il faudra introduire volontairement la
myxomatose pour en réduire modestement le nombre. On installe alors des
clôtures pour éviter qu'ils ne se propagent dans tout le pays, les "Rabbit-Proof
Fence" (titre anglais du film)''. C'est le long d'une de ces clôtures
que trois fillettes aborigènes vont parcourir près de 2 500 kilomètres
pour retrouver leur mère à laquelle elles ont été enlevées.
On assiste donc à leur "capture" pour être "parquées", "éduquées" et
destinées à devenir domestiques ou assouvir le "bon plaisir" du Blanc (la majuscule est ironique !). Puis, à l'initiative de la plus âgée, Molly, à leur tentative de retour vers leur foyer véritable, pistées par un "traqueur" lui même aborigène.
Phillip Noyce, réalisateur australien que l'on connait mieux pour son très efficace thriller Calme blanc ou ses deux opus des aventures de Jack Ryan, Jeux de guerre et Danger immédiat, avait déjà réalisé en 1977 un film d'une heure, Backroads, sur un aborigène et un blanc, traitant des relations interraciales en Australie. Il nous propose, ici, un très joli film, sans mièvrerie ni pathos, adapté de l'ouvrage "Follow the Rabbit-Proof Fence"
de Doris Pilkington, la fille de Molly, l'une des héroïnes du film. Le
suspens et les émotions sont réels, et l'on partage les conditions de
vie de ces trois gamines, Molly, sa soeur Gracie et leur cousine Daisy (14, 8 et 10 ans), seules, affamées et terrifiées mais farouchement déterminées.
Kenneth Branagh incarne le sinistre et tout puissant "protecteur des aborigènes", Mr Neville
avec un cynisme froid qui sied parfaitement au personnage. Le discours
sur le colonialisme et le racisme n'est pas, comme souvent, caricatural
et la tonalité reste optimiste : Phillip Noyce
clôt son film sur les visages ridés et souriants des vraies Molly et
Daisy, aujourd'hui âgées de plus de quatre-vingt ans. Mais on frémit
d'apprendre que les "établissements" de Mr Neville n'ont fermé qu'en
1967 et de savoir que l'esclavage, qualifié de moderne, n'a toujours pas
disparu au XXIe siècle.
Une mention particulière à la très belle et adaptée bande originale signée Peter Gabriel.
A l'heure où les comédies semblent faire le beau temps des box-offices
en France ou aux Etats-Unis, il serait dommage de passer à côté d'un
film d'une belle authenticité et d'une profonde humanité comme celui-là.
hat pale yellow staining is absent from base of stem and persists elsewhere rather than going brown vinyl coated chain link fence
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