"Well, I'm getting the breaks now, I'm not going to think."
Coïncidence, Waterloo Bridge était le film préféré de ses deux acteurs principaux. Tous juste "oscarisée" pour la première fois (et sur le point de convoler en secondes noces avec Laurence Olivier) Vivien Leigh y retrouvait Robert Taylor, vedette deux ans plus tôt du drame universitaire A Yank at Oxford. Bien plus conventionnelle, voire convenable que l'adaptation signée par James Whale, cette deuxième version n'en reste pas moins plaisante et intéressante grâce, bien sûr, aux têtes d'affiche, aux maitrisés détours, arabesques pourrait-on dire, d'un récit sentimental(1) significativement remanié par le trio de scénaristes. Mais aussi à l'élégance de la réalisation assurée par Mervyn LeRoy, devenu en 1936 le responsable de production de la Metro-Goldwyn-Mayer suite au décès d'Irving Thalberg.
Londres, le 3 septembre 1939. Le colonel Cronin est conduit à la gare pour y rejoindre son régiment. En avance, il demande à son chauffeur de le déposer sur Waterloo Bridge et de l'attendre sur l'autre rive de la Tamise. L'air songeur, il sort de sa poche et regarde intensément une petite statuette porte-bonheur qui lui rappelle des événements s'étant déroulés plus de vingt ans auparavant. Alors jeune capitaine, il avait rencontré au même endroit une jeune femme, au sein d'un groupe, qu'il avait aidé à ramasser le contenu de son sac et accompagné jusqu'à la station de métro où la foule des alentours s'étaient réfugiée en raison d'un raid aérien. Invité à dîner par son colonel, Roy Cronin avait regretté de ne pouvoir assister au spectacle donné le soir même par la troupe de cette élève du cours de ballet de Mme Olga Kirowa. Avant de le quitter, Myra Lester avait voulu offrir à l'officier, sur le point de partir au front, le talisman sensé lui porter chance. Renonçant finalement à l'invitation, Cronin était venu assister, à la grande surprise de Myra, au final de la prestation du "Lac des cygnes". Le billet envoyé en loges pour la revoir n'avait pas échappé à la scrupuleuse attention de Mme Kirowa, obligeant sa lecture à haute voix par sa destinataire devant ses camarades et lui imposant d'y répondre par la négative. Kitty avait réussi à rattraper Cronin avant qu'il ne s'en aille afin qu'il puisse fixer un rendez-vous à son amie de Myra. Au terme d'un plaisant dîner-dansant, dans l'obscurité créée par l'extinction de la dernière bougie coïncidant avec les derniers accords du "Chant des adieux"(2), le couple s'était tendrement embrassé. Le lendemain en fin de matinée, alors qu'elle le croyait déjà sur le bateau l'emportant vers la France, Myra aperçoit son amoureux trempé par l'averse dans le jardin de sa résidence.
Coïncidence, Waterloo Bridge était le film préféré de ses deux acteurs principaux. Tous juste "oscarisée" pour la première fois (et sur le point de convoler en secondes noces avec Laurence Olivier) Vivien Leigh y retrouvait Robert Taylor, vedette deux ans plus tôt du drame universitaire A Yank at Oxford. Bien plus conventionnelle, voire convenable que l'adaptation signée par James Whale, cette deuxième version n'en reste pas moins plaisante et intéressante grâce, bien sûr, aux têtes d'affiche, aux maitrisés détours, arabesques pourrait-on dire, d'un récit sentimental(1) significativement remanié par le trio de scénaristes. Mais aussi à l'élégance de la réalisation assurée par Mervyn LeRoy, devenu en 1936 le responsable de production de la Metro-Goldwyn-Mayer suite au décès d'Irving Thalberg.
Londres, le 3 septembre 1939. Le colonel Cronin est conduit à la gare pour y rejoindre son régiment. En avance, il demande à son chauffeur de le déposer sur Waterloo Bridge et de l'attendre sur l'autre rive de la Tamise. L'air songeur, il sort de sa poche et regarde intensément une petite statuette porte-bonheur qui lui rappelle des événements s'étant déroulés plus de vingt ans auparavant. Alors jeune capitaine, il avait rencontré au même endroit une jeune femme, au sein d'un groupe, qu'il avait aidé à ramasser le contenu de son sac et accompagné jusqu'à la station de métro où la foule des alentours s'étaient réfugiée en raison d'un raid aérien. Invité à dîner par son colonel, Roy Cronin avait regretté de ne pouvoir assister au spectacle donné le soir même par la troupe de cette élève du cours de ballet de Mme Olga Kirowa. Avant de le quitter, Myra Lester avait voulu offrir à l'officier, sur le point de partir au front, le talisman sensé lui porter chance. Renonçant finalement à l'invitation, Cronin était venu assister, à la grande surprise de Myra, au final de la prestation du "Lac des cygnes". Le billet envoyé en loges pour la revoir n'avait pas échappé à la scrupuleuse attention de Mme Kirowa, obligeant sa lecture à haute voix par sa destinataire devant ses camarades et lui imposant d'y répondre par la négative. Kitty avait réussi à rattraper Cronin avant qu'il ne s'en aille afin qu'il puisse fixer un rendez-vous à son amie de Myra. Au terme d'un plaisant dîner-dansant, dans l'obscurité créée par l'extinction de la dernière bougie coïncidant avec les derniers accords du "Chant des adieux"(2), le couple s'était tendrement embrassé. Le lendemain en fin de matinée, alors qu'elle le croyait déjà sur le bateau l'emportant vers la France, Myra aperçoit son amoureux trempé par l'averse dans le jardin de sa résidence.
"Defeatist!" Histoire de femme racontée en flash-back à travers le souvenir d'un homme, le Waterloo Bridge de Mervyn LeRoy semble ne pas éviter les paradoxes. La cohérence ne fait, en réalité, pas défaut à cette narration croisée. Le scénario joue au contraire très astucieusement des revirements de situation et, surtout, des sentiments contradictoires qui animent le personnage central. Il se place d'ailleurs d'emblée sous l'influence thématique persistante du hasard (chance/infortune). Moins étrange(3) que la version de James Whale, Waterloo Bridge souligne de façon plus marquée le déchirement "tragique" essentiel entre amour et conscience, attachement et renoncement, acte et fatalité. Dans cette esprit, LeRoy a su admirablement saisir la contrastée dualité psychologique de Vivien Leigh (inoubliable interprète de la combattive Scarlett dans Gone with the Wind sorti en début d'année) qu'il dirigeait pour cette unique occasion face au positif et inébranlable officier tenu par Robert Taylor(4). Parmi les seconds rôles, il faut citer les apparitions de la native russe Maria Ouspenskaya (la grand-mère de Love Affair), du Brittanique C. Aubrey Smith, vu notamment chez Lubitsch et, en colonel Julyan, dans le récent Rebecca d'Hitchcock et de Rita Carlyle, déjà présente en "femme au panier du pont" dans le film de Whale. Malgré ses indubitables qualités, Waterloo Bridge ne fut nommé que dans deux catégories (photographie et bande originale) des 13e Academy Awards.
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1. l'un des premiers dans lesquels est évoqué la contemporaine Seconde Guerre mondiale.
2. "Auld Lang Syne", transcription d'une antique ballade écossaise par le poète Robert Burns à la fin du XVIIIe siècle.
3. au sens d'inexpliqué et de trouble.
4. dans le premier des quatre films qu'il tournera avec le réalisateur.
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