"The American dream? Kill yourself and go to paradise!"
De ce côté-ci de l'Atlantique, le terme "gonzo" évoque plus volontiers le personnage de cascadeur du Muppet Show, voire, pour les orientalistes, un studio d'animation japonais. Appliqué au journalisme, il a été utilisé la première fois en juin 1970 pour décrire un article d'Hunter S. Thompson, sorte d'immixtion du subjectif romanesque dans le récit observable d'un événement ou d'un phénomène de société. Le natif de Louisville (Kentucky) n'était d'ailleurs pas l'inventeur du style, précédé au cours du demi-siècle précédent par son compatriote, le critique et satiriste Henry Louis Mencken. La notoriété internationale de Thompson doit notamment beaucoup à deux films dans lesquels il a été successivement interprété par Bill Murray (Where the Buffalo Roam) et par Johnny Depp dans le délirant Fear and Loathing in Las Vegas placé sous la direction de Terry Gilliam.
Présenté en première à Sundance en janvier 2008, Gonzo: The Life and Work of Dr. Hunter S. Thompson revient assez longuement, grâce aux témoignages de proches ou de partenaires (souvent les deux à la fois !) et à diverses archives, sur la vie et la carrière, aussi étroitement liées, de cet (trop ardent) amateur d'armes à feu. De son reportage en immersion parmi les Hell's Angels jusqu'à son suicide en 2005, en passant par sa candidature au poste de shérif d'Aspen (Colorado), par sa collaboration au magazine "Rolling Stone" et avec l'illustrateur britannique Ralph Steadman ou encore par son soutien au sénateur George McGovern aux primaires démocrates et aux élections présidentielles 1972 contre l'ennemi honni Richard Nixon.
Ecrit, co-produit et réalisé par Alex Gibney dont les qualités de documentaristes ne sont plus à démontrer*, Gonzo tente, à travers ce complet et complexe portrait du Dr. Thomson alias Raoul Duke, de cerner la portée de la contribution "historique" de l'auteur-journaliste mais également son héritage. S'il est par exemple difficile d'accepter sans broncher le statut de visionnaire généreusement accordé à Thomson (une démarche plus volontiers assimilable à une forte capacité de réaction idiosyncratique), force est de reconnaître la persistance de son influence, en particulier auprès d'auteurs d'œuvres graphiques ("Transmetropolitan", "The Venture Bros."). Le film offre aussi un point de vue singulier, peut-être unique sur les prémices du déclin des Etats-Unis triomphants, encore confiants de la réalité des mythes du "Rêve américain" et de la "Nouvelle frontière".
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*promoteur et/ou réalisateur de The Blues, d'Enron: The Smartest Guys in the Room, de l'oscarisé Taxi to the Dark Side, de Mr. Untouchable...
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