"The pain in hell has two sides. The kind you can touch with your hand; the kind you can feel in your heart..."
Pour repartir d'un bon pied, suite à l'incident de parcours (selon l'opinion de John Cassavetes) Boxcar Bertha, Martin Scorsese revient aux fondamentaux. A ses fondamentaux, ceux qui avaient déjà prévalu lors de la chaotique maturation de son premier long métrage de fiction, I Call First. Une narration largement inspirée de situations vécues et de lieux fréquentés par le trentenaire natif du Queens. Secondé par son camarade arménien Mardik Martin de la Tisch (avec lequel il a signé le court It's Not Just You, Murray!), Scorsese façonne avec Mean Streets(1), sans doute sans en être pleinement conscient, le style et la (bio)typologie (Robert De Niro tient ici le premier de ses huit rôles sous la direction du cinéaste) qui vont caractériser son cinéma jusqu'à la fin des années 1970. Proposé à Roger Corman, producteur de son précédent drame, le scénario est finalement financé par Jonathan Taplin, manager d'artistes folk-rock pour lequel il s'agit de la toute première expérience filmique(2). Mean Streets a été ajouté en 1997 au National Film Registry.
Dans le bar détenu par Tony, le minable trafiquant Michael vient réclamer le montant dû par 'Johnny Boy' pour lequel Charlie s'est porté garant. Lorsque que celui-là se présente enfin, bien sapé et accompagné de deux jeunes femmes rencontrées au Village, il avance diverses excuses avant de s'engager à honorer sa dette la semaine suivante. Pour le compte de son oncle Giovanni, Charlie visite le restaurateur Oscar, en sérieuse difficulté depuis la disparition de Groppi son associé et incapable de régler ses échéances. Puis Joey Gatucci, lui aussi débiteur de sommes, dans le bar duquel éclate une bagarre causée par 'Johnny Boy' et interrompue par l'arrivée d'agents de police corruptibles.
"Le quartier et mes potes, c'est tout ce qui compte." Une phrase qui résume assez bien Mean Streets. Plus qu'un récit structuré de façon classique, Martin Scorsese nous invite à partager de fugitifs "moments" de vie. Ceux de quatre (et quelques) individus présentés sommairement, par ordre d'importance croissante, dès le début du film. Foutraque, celui-ci l'est assurément ; et il semble vraisemblable que ce soit délibéré. Diffuse, la direction empruntée par le script, la mise en scène et le jeu en partie improvisé des acteurs dissimule en réalité un questionnement et un thème primordiaux. Existe-t-il une morale en dehors de la foi(3) ? Une interrogation qui sème la confusion dans l'esprit du personnage central, en réguliers "dialogues" avec le Seigneur/sa conscience. Mean Streets stigmatise également, comme d'autres productions de cette époque mais de manière singulière, la douloureuse sortie du rêve américain, illustrée le plus crûment par une des séquences a priori les plus anodines du film (celle où un clochard lave au feu rouge le pare-brise de la limousine de Tony).
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1. référence au romancier et essayiste Raymond Chandler.
2. l'organisateur du "Concert for Bangladesh" produira notamment ensuite The Last Waltz de Scorsese puis Under Fire.
3. les festivités religieuses automnales qui ponctuent le métrage servent d'ailleurs de contrepoint narratif. Rappelons au passage que la vocation initiale de Scorsese était d'être prêtre !
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