lundi 18 janvier 2016

La Isla mínima

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Solide polar espagnol1, La Isla minima possède trois évidents atouts. Un scénario, récit plutôt classique, adroitement écrit par le duo -2, un traitement visuel intéressant dès l'entame du film avec ces surprenantes et très graphiques vues aériennes (qui ponctuent d'ailleurs le métrage), mais aussi et surtout cette sous-jacente, continuelle évocation du passé politique du pays. Cette histoire d'investigation criminelle consécutive à la disparition de deux jeunes filles d'une petite localité bordant le Guadalquivir3 débute en effet à la toute fin des années 1970, décennie qui, rappelons le, a vu l'Espagne passer presque sans heurt d'une longue dictature militaire à la monarchie parlementaire. Juan et Pedro, les deux enquêteurs chargés de l'affaire, symbolisent d'une certaine manière cette transition. Le premier ayant vraisemblablement participé aux actions d'oppression de la population sous le franquisme, le second, plus jeune, semblant partisan des valeurs nouvellement acquises de la démocratie.
Les aspects formels l'emportent néanmoins peut-être trop sur les tenants et aboutissants de cette intrigue aux imbrications multiples et successives. L'exploitation des décors naturels, la reconstitution de l'époque, les atmosphères trouvées sont incontestablement réussies. La relative dispersion narrative empêche toutefois La Isla minima de s'ancrer durablement dans la mémoire. La distribution, emmenée par le Luanquin   et le Madrilène  (remarqué auparavant dans les comédies Gordos puis Primos de Daniel Sánchez Arévalo), n'appelle aucune critique sérieuse ; les acteurs de second rôle (dont la comédienne et chanteuse, débutante au cinéma, ) ont cependant quelque mal à donner une réelle consistance à leur personnage.

N.B. : cité dans seize catégories des 29e "Goya", le film a obtenu dix récompenses, parmi lesquelles meilleurs film, scénario, réalisation, photographie, montage et acteur principal ().
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1. à défaut d'être vraiment un "thriller à la mécanique implacable".
2. plusieurs fois nommé lors de festivals ou cérémonies de prix, notamment pour un autre polar : Grupo 7 (2012).
3. proche de l'andalouse Séville dont sont originaire les deux cinéastes, associés depuis 7 vírgenes en 2005.



dimanche 17 janvier 2016

Ninja/Ninja: Shadow of a Tear


"Some fairy tale, huh?"

Pour quelle obscure raison me suis-je lancé dans le visionnage de ce diptyque ? Le réalisateur  et le scénariste-producteur  étaient pour moi de quasi inconnus*, tout comme d'ailleurs l'Anglais Scott Adkins**. L'indigence du scénario (ici écrit avec Michael Hurst) constitue, la plupart du temps, le principal défaut de ce type de films. Un pitch un peu absurde, des personnages trop manichéens, un enchainement mécanique de scènes d'action, des situations rocambolesques, Ninja recourt également aux ingrédients (ou grosses ficelles) usuels du genre. Mais, il faut le reconnaitre, avec un certain talent. La production (réalisation, effets visuels, chorégraphie des combats...) se montre dans l'ensemble assez sérieuse. Efficace, omniprésent, Adkins impressionne toutefois moins et ne suscite pas la même sympathie que son incomparable idole Bruce Lee. Les rôles secondaires ne présentent aucun intérêt, sauf peut-être ceux tenus par les Japonais  (Letters from Iwo Jima, Jûsan-nin no shikaku) et .
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* a dirigé deux sequels du Undisputed (2002) de  avec Scott Adkins dans l'un des rôles principaux, la première déjà à partir d'une histoire de .
**fan de Jean-Claude Van Dammevu à deux reprises, en adversaire de Jason Bourne au cours de la poursuite et du combat à Tanger dans The Bourne Ultimatum et dans un rôle très secondaire de Zero Dark Thirty.


"It was not personal."

Ce second volet, triviale histoire de vengeance et de rivalité mafieuse écrite par David N. White (scénariste d'Undisputed II et IIIBoaz Davidson ne porte plus ici que la casquette de producteur), possède, peu ou prou, des caractéristiques très comparables à celles du précédent. L'attention du spectateur se disperse peut-être davantage devant Ninja: Shadow of a Tear. Les équipes de production et  ont beau faire le job, difficile de trouver suffisamment de substance narrative pour éviter de sombrer dans un certain ennui.  disparaît assez vite, le Nippo-chinois né en Californie  assume donc, sans importante présence à l'écran, le statut de co-vedette face à . La participation de  (aperçu notamment dans The Last Samurai et dans les deux parties de Kill Bill), en présumé principal antagoniste, n'apportant finalement pas le relief escompté.


jeudi 7 janvier 2016

American Sniper

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"Yeah, but you see, they can't wait and we can."

Les Etasuniens ont toujours été prompts à élever au rang de héros des individus ayant assumé, avec correction et un semblant d'éclat, leurs fonction et responsabilités. Une conduite ne justifiant, en général dans les autres cultures, qu'une appuyée reconnaissance. Cette adaptation de l'ouvrage autobiographique* signé (avec Scott McEwen et Jim DeFelice) en 2013 par Chris Kyle en fournit un nouvel exemple. Le Texan, premier-maître de l'U.S. Navy SEAL décédé la même année, y racontait ses quatre déploiements en Irak (1999-2009) ainsi que la difficulté rencontrée à tenir parallèlement, à cette époque puis après sa démobilisation, ses rôles d'époux et père de famille.
Le (troisième depuis 2009) scénario écrit par Jason Hall passe donc incessamment du soutien apporté par le sniper aux troupes US lors d'opérations de sécurisation du terrain à la rencontre avec sa future épouse Taya puis la naissance de leurs deux enfants. Un certain nombre d'inventions dramatiques ont été ajoutées au récit (parmi lesquelles la scène du repas chez une famille irakienne où une cache d'armes est découverte, l'antagoniste tireur olympique syrien, l'usage immodéré du téléphone satellitaire fait par Kyle pendant des attaques ou encore les motifs de sa démobilisation). La structure narrative, le caractère répétitif des situations constituent d'ailleurs l'un des handicaps majeurs d'American Sniper. Arrivé tardivement sur le projet**,  paraît également (depuis Changeling) moins inspiré qu'il ne l'a été. L'efficacité de la réalisation n'est en effet qu'apparente ; elle dissimule, en réalité, assez mal, voire souligne même parfois les diverses faiblesses du script.
Le couple tête d'affiche ne convainc pas davantage. Co-producteur,  campe un personnage monolithique et, somme toute, sans grand intérêt. Bodybuildé mais moins fringant que dans les comédies qui l'emploient habituellement, l'acteur a pourtant obtenu une troisième nomination (la seconde dans un rôle principal) consécutive aux Academy Awards, comme la plupart des seconds rôles, ne dispose à vrai dire pas suffisamment de champ pour tenter d'exister un tant soit peu. Le film, présenté en première à l'AFI Fest, a néanmoins connu un réel succès commercial (350M$ de recettes US pour environ 60M$ de budget, plus de 3 millions d'entrées en France).
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*"American Sniper: The Autobiography of the Most Lethal Sniper in U.S. Military History."
**les droits d'adaptation ont été acquis par la Warner en mai 2012. David O. Russell a, quelques mois plus tard, exprimé son souhait de la réaliser ; Steven Spielberg est, un an après, annoncé à la direction, finalement remplacé par , également producteur aux côtés de son récurrent associé Robert Lorenz, d'Andrew Lazar et de Peter Morgan.



dimanche 3 janvier 2016

Below (abîmes)

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Autant l'avouer d'emblée, j'ai assez vite décroché de ce massif et profond n'importe quoi submersible. Instiller du surnaturel horrifique dans un film historique (août 1943) de sous-marin n'était pas en soi une idée complètement absurde. Below s'enfonce toutefois rapidement dans une presque totale incohérence narrative ! Co-scénariste avec le débutant  et promoteur* du projet, Darren Aronofsky devait au départ le diriger**, finalement remplacé par  (disponible entre les deux premiers volets de la franchise Riddick au cinéma). Il n'y a vraiment rien à sauver, ni la réalisation conventionnelle, ni les acteurs assez quelconques, pas même les effets spéciaux, de ce film présenté en compétition au 10e Fantastic'Arts de Gérardmer et au 22e Fantasporto, avant de passer quasiment inaperçu lors de son exploitation aux Etats-Unis. Une catastrophe (synonyme d'abîme) à tous les sens du vocable !
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*premier long métrage produit par le cinéaste new-yorkais, associé à son complice Eric Watson.
**il préféra tourner Requiem for a Dream, sorti deux ans plus tôt.





Scenes of a Sexual Nature (amour & conséquences)

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"Well, you've got to give it a chance!"

La meilleure façon d'être agréablement surpris par un film réside sans doute dans le fait de n'en rien attendre a priori. Impression, toute relative, que suscite ce premier long métrage pour le cinéma produit et réalisé en 2006 par le Britannique . Ecrit avec son ancien camarade de classe , le scénario saisit pour nous quelques instants dans la vie de sept couples* au cours d'un bel après-midi estival à Hampstead Heath**. Avec pour fil conducteur (attention révélation !) les retrouvailles des veufs Iris et Eddie, amoureux l'un de l'autre lorsqu'ils étaient adolescents... et les revers, plus ou moins fugitifs, subis par Noel (entreprenant mais maladroit vingtenaire joué par un assez étonnant , à l'époque encore plutôt méconnu).
Dans une catégorie manquant souvent - et paradoxalement - de charme, Scenes of a Sexual Nature (titre à ne surtout pas prendre au pied de la lettre !) apporte sa légère fantaisie, son soupçon d'impertinence. Le casting réuni par  constitue d'évidence l'argument décisif pour mettre en valeur cette production indépendante à budget modeste. Plus qu', figure de proue des promoteurs en raison de sa notoriété internationale, ce sont  (Hotel Rwanda) (Downton Abbey) déjà mentionné (et les apparitions de la Française anglophone ) qui ont tendance à retenir notre attention. Scenes... possède, à tout le moins, la vertu de ne pas nous donner le sentiment d'avoir perdu notre temps... et c'est déjà beaucoup !

N.B. : Je vous laisse enfin méditer sur ce précepte : "It's much easier to love someone than it is to like them."
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*le premier officiel, préoccupé par le plaisir et le désir, le deuxième composé de vieux et faux inconnus, le troisième en rupture, le quatrième homosexuel, le cinquième aimant mais cependant sur le point de divorcer, le sixième tarifé et le septième en découverte réciproque.
**vaste parc (environ 320 hectares) au Nord-Ouest de Londres (quartier de Camden).




Retour de manivelle

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"Tu auras quelques heures, pas plus, pour maquiller mon suicide en crime."

Adaptation (transposée par  sur la Côte d'Azur) du roman "There's Always a Price Tag" (1956) du Londonien James Hadley Chase, Retour de manivelle ne répond pas réellement aux attentes suscitées à la fois par le synopsis et la distinguée distribution. L'absence d'une véritable tension dramatique caractérise en effet cette astucieuse histoire dans laquelle intérêts et (dés)amour se combinent de façon plutôt périlleuse. L'incident initial (un individu retient un inconnu ivre sur le point d'être percuté par un véhicule avant de le raccompagner chez lui) demeure identique, mais un quelconque homme d'affaires nommé Eric Fréminger remplace ici le réalisateur hollywoodien Erle Dester de l'ouvrage. Le personnage de Robert Montillon se montre aussi largement moins retors que le Glyn Nash originel. Surtout formé à la comédie, l'ancien assistant de  semble, comme dans Le Salaire du péché (son deuxième film, cette production franco-italienne* étant le quatrième), moins à son aise dans ce genre également exigeant.
Un scénario sans réelle aspérité, des dialogues de Michel Audiard qui font moins mouche que qu'habitude, un décor principal (la superbe Villa Ile-de-Frances du Cap Ferrat) un peu intimidant ou "réfrigérant",  constitue le principal atout d'un film légèrement convenu. Elle y retrouvait ** (de la déjà longue carrière de l'élève de Louis Jouveton retenait jusque-là ses participations aux réalisations d'Ophüls et celle, récente et brève, chez Hitchcock). L'Allemand  (Bimba dans Le Salaire de la peur de ) (créditée pour la première fois) et  (à l'apparition tardive dans un énième emploi en inspecteur de police) tiennent les principaux seconds rôles.

N.B. : le roman de Chase a aussi inspiré Maharathi (2008), film indien tiré d'une pièce de Paresh Rawal et une série télévisée du même pays.
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*conduite par Jean-Paul Guibert, promoteur récurrent de Jean Gabin.
**lequel avait auparavant croisé sa partenaire dans La Minute de vérité réalisé par  en 1952 et dans Napoléon (1955) de . Par ailleurs,  et  seront réunis une seconde fois par  dans le drame familial Soleil noir (1966).