mercredi 30 novembre 2011

La Prima cosa bella


"A mon avis, elle est immortelle."

 - film - 58526_8
Nommé dans dix-huit catégories des Premi David di Donatello 2010(1), La Prima cosa bella a sans conteste été l'une des œuvres transalpines marquantes de l'année dernière. Pour son onzième long métrage, le Livournais Paolo Virzì délaisse la problématique sociale de son précédent film, l'adaptation Tutta la vita davanti, au profit d'une évocation douloureusement nostalgique (et partiellement autobiographique) également co-signée par son vieux complice Francesco Bruni. Une comédie dramatique où la complexité familiale tient une place déterminante, dans le scénario mais aussi dans sa production puisque le compositeur Carlo Virzì apparaît ici aussi en tant que co-producteur et Micaela Ramazzotti (seconde épouse de Paolo Virzì) tient le rôle féminin principal partagé avec la Sandrelli.
 - film - 58526_11
Professeur d'italien dans un collège bolonais, Bruno développe une permanente angoisse existentielle qui le pousse parfois à consommer des substances psychotropes contrôlées, voire illégales. Mais aussi à vouloir mettre un terme à sa longue relation amoureuse ou cohabitante, selon le point de vue, entretenue avec Sandra qu'il pense ne pas mériter. Le souvenir des épisodes éprouvants de son enfance obsède le fils aîné de l'adjudant de police Mario Michelucci et de son épouse, la trop jolie Anna Nigiotti désignée par le chanteur Anselmo Viani "Maman de l'été" en prélude de l'élection de la "Miss 1971" organisée par le comité des bains Pancaldi. En apercevant sa sœur Valeria venue le chercher dans son établissement scolaire, Bruno tente de s'esquiver mais tombe sur son neveu Aldo. Placée en soins palliatifs, leur mère Anna vit ses dernières semaines dans un hospice livournais. Lorsqu'ils y arrivent tardivement, Anna est déjà endormie ; assis dans un fauteuil roulant, Bruno, qui a renoncé à rentrer chez lui, rêve de la nuit de la séparation de ses parents, à la suite d'une nouvelle et violente dispute. Du départ précipité de la mère et de ses deux enfants d'abord chez sa sœur puis dans un hôtel un peu sordide où elle rencontre Roberto Lenzi, le journaliste du "Telegrafo" membre du jury de l'élection de "Miss Bagni Pancaldi".
 - film - 58526_23
Dès Ovosodo, son troisième film primé à la Mostra en 1997, Paolo Virzì tente de faire émerger d'existences ordinaires une espèce de singulier insolite. Dans La Prima cosa bella(2), le trauma (œdipien ?) consécutif aux désassortiment conjugal et autres errements sentimentaux tient lieu de principal ressort narratif. Virzì y décrit assez bien le caractère fragile, éphémère du bonheur ainsi que la place accordée, selon leurs "atouts", aux femmes dans l'Italie des années 1970-1980. Présenté ici ou là comme frivole, inconséquent, le personnage d'Anna dans lequel se relaient plaisamment la Romaine Micaela Ramazzotti et Stefania Sandrelli (native de Viareggio et donc Toscane comme le réalisateur) fait plutôt montre d'une irrépressible envie de vivre et de sauvegarder, sans doute maladroitement, le lien maternel avec ses deux (trois !) enfants. S'il ne possède pas le lyrisme du Fellini d'Amarcord ou l'élégante férocité d'Ettore Scola(3), le cinéaste parvient à trouver une tonalité assez juste sans pour autant adopter et suivre une véritable ligne directrice. Entre le Respiro d'Emanuele Crialese et Anche libero va bene de Kim Rossi Stuart (initialement choisi pour tenir le rôle de Bruno) dont il ne possède pas certaines des évidentes qualités, La Prima cosa bella offre au Romain Valerio Mastandrea l'occasion de démontrer une nouvelle fois le large et durable éventail de son talent.
___
1. récompensé pour son scénario et ses deux acteurs principaux. Le film a également été proposé pour représenter l'Italie aux 83e Academy Awards (le dernier candidat retenu ayant été La Bestia nel cuore de Cristina Comencini).
2. titre emprunté à une chanson des années 1970 ("... La prima cosa bella/che ho avuto dalla vita/è il tuo sorriso giovane sei tu/Tra gli alberi una stella/la notte si è schiarita/il cuore è innamorato sempre più..." - traduit par : le premier grand bonheur/que la vie m'ait accordé/c'est ton jeune sourire/tu es l'étoile de ma vie/et mon cœur n'a pas pu te résister).
3. ou celle, pinçante, de Dino Risi, auteur de La Moglie del prete dont le tournage est brièvement reconstitué.




vendredi 25 novembre 2011

Ondine


 - film - 57425_2
Le versatile mais adroit Neil Jordan nous offre là un bien joli film, en choisissant sa sauvage mais superbe île natale pour décor.
Imaginaire féérique et obscure réalité y font bon ménage, grâce notamment à la justesse du jeu de Colin Farrell mais aussi et surtout à la fraicheur de la Polonaise Alicja Bachleda (qui mérite pourtant d'être connue !) et à l'insolent talent naturel de l'étonnante jeune Alison Barry, dans son tout premier rôle, que l'on a hâte de revoir aussi.



jeudi 24 novembre 2011

L'Art de séduire


"Pour vous qui êtes psy ça doit être facile..."

 - film - 59507_4
L'aboutissement d'un premier long métrage se révèle parfois plus compliqué que celui d'un sentiment amoureux. Huit ans, et plusieurs autres projets, séparent en effet L'Art de séduire de Facade, court en partie(1) à l'origine de ce nouveau scénario également co-signé par Erick Malabry. Avec cette plaisante comédie sentimentale, l'ancien assistant d'André Téchiné(2) ironise aimablement sur l'isolement (retranchement aquariophile ?) et la méprise relationnelle. Une main filmique plutôt gagnante, grâce en particulier à la double paire valets-dames emmenée par un Mathieu Demy visiblement à l'aise dans ce rôle décalé et contrasté. Une alternative singulière et bienvenue aux productions anglo-saxonnes du genre(3).
 - film - 59507_10
Psychothérapeute, Jean-François Villaire reçoit une de ses patientes régulières. Après trois ans d'écoute et de soutien, Hélène pense avoir retrouvé un certain équilibre et, avec l'accord un peu flottant du praticien, décide de mettre un terme aux séances. Jean-François est en effet secrètement amoureux de la séduisante jeune divorcée et mère d'une fillette. Il feint peu après de la rencontrer par hasard à proximité de la boutique qu'elle tient. Après une brève et banale discussion à la terrasse d'un café, Hélène l'invite néanmoins à dîner chez elle le jeudi suivant. A l'occasion d'un rendez-vous avec Julien, un patient perturbé par son obsessive séduction auprès des femmes, Jean-François avoue son inexpérience, sa grande maladresse dans ce domaine et lui demande son aide urgente. L'homme l'incite à s'entrainer, acceptant de l'observer ainsi que de le conseiller dans ses multiples et peu efficaces manœuvres d'approche opérées dans les rues ou boutiques environnantes. Pour se remettre de ses décevantes émotions, Jean-François s'assied sur le pont d'une péniche-bistrot. Il offre l'inutile bouquet de roses, acheté pour tenter de draguer une fleuriste, à la jeune femme assise à la table voisine. Estelle engage la conversation, se déclare intéressée de voir les photos de poissons réalisées par 'JF'. La kiné et le psy évoquent la possibilité de se revoir et échangent leur numéro de téléphone.
 - film - 59507_11
A une double histoire d'amour à sens unique (légèrement teintée d'affabulations plus pathétiques que réellement pathologiques) somme toute assez triviale, le sens des situations et des dialogues de Guy Mazarguil et Erick Malabry apporte une indéniable valeur ajoutée comico-dramatique. Le réalisateur réussit d'ailleurs à souligner cette dernière tonalité, sensiblement contrapuntique, en illustrant cette espèce d'incomprise détresse fantasmatico-poissonnière périodiquement ressentie par le personnage principal. L'autre atout essentiel de L'Art de séduire, c'est évidemment lex choix judicieux de casting. A commencer par celui de Mathieu Demy, lequel endosse avec beaucoup de naturel l'humanité fragile, cynique, distante, rêveuse de 'Jeff'. Dans un contre-emploi (probablement mythomaniaque) ou une bivalence vaguement assumée, Lionel Abelanski et Julie Gayet sont parfaits. Mais le rôle complémentaire, et sans doute le plus attachant, reste celui tenu par Valérie Donzelli, récente auteure d'un remarqué second long métrage.
___
1. la grande solitude observée chez un psychologue consulté par Mazarguil a aussi motivé l'écriture de cette histoire originale.
2. sur Ma saison préférée après avoir été celui de Jean-Jacques Beineix ou de Didier Kaminka.
3. celles de Richard Curtis notamment. Le film constitue aussi une sorte de crédible contre-Arnacœur.