lundi 31 octobre 2011

Low Cost


"C'est pas un peu excessif tout ça, non, vous trouvez pas ?"

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Sur une piste de l'aéroport Zarzis de Djerba, les passagers du B737 de la compagnie aérienne à bas coût Lobud Jet attendent le décollage en direction de Beauvais. A minuit, au bout de sept heures de retard, une des deux hôtesses déclare l'annulation du vol en raison de la défaillance du voyagiste-affréteur. Mais lorsqu'à titre de dédommagement, un employé technique annonce le service d'un thé à la menthe, la colère manifestée par les usagers vire à l'émeute. Très ordinaire espion industriel, Dagobert sort de son inquiète introspection partagée avec Nuance, la seconde hôtesse, et menace d'occuper l'appareil, voire de le réquisitionner. Décision soumise au vote par le musculeux Guy et approuvée à une large majorité. Dagobert réussit à convaincre Jean-Claude, pilote pré-retraité de la compagnie nationale, de prendre les commandes de l'avion. Revêtu de son uniforme conservé dans un bagage, celui-ci procède aux vérifications d'usage avant le décollage pendant que l'on débarque les quelques passagers réticents et la première hôtesse. Le commandant de bord, auquel Dagobert rappelle à l'oreille une information indiscrète, est lui contraint de rester.
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Dans la famille "comédie aéronautique", le délirant Airplane! (imaginé il y a plus de trente ans, une époque où le modèle économique "low cost" ne l'avait pas encore été) tient toujours le haut du palier. Une référence "digérée" selon Maurice Barthélémy afin de pouvoir toucher un public plus large que celui des puristes de l'humour décalé. Son Low Cost fonctionne pourtant selon un principe assez proche : contextes de confusion, parfois aberrants avec une multiplication des points de vue et/ou des positions individuelles. Original sur le principe, le concept de base perd néanmoins rapidement de sa substance au profit d'un comique de situation bien plus convenu. Récréatif mais pas vraiment excitant, le film et son humour potache ont du mal à prendre de la hauteur. Celle qui donne une saveur distinctive aux meilleures contributions au genre. A défaut de risquer le crash landing, Low Cost... tourne un peu en rond !

mercredi 19 octobre 2011

Insidious

"Lost? Lost where?"

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L'un des meilleurs films d'horreur surnaturelle de la décennie ? Si l'on considère qu'elle a débuté il y a dix mois, l'étroitesse du segment et tient compte du succès publico-commercial(1) rencontré par le quatrième long métrage (en solo) de James Wan, la réponse est affirmative. Il est pourtant bien difficile de renouveler ce genre codifié à l'extrême mais aussi dominé par des références un peu inhibantes. Certains cinéastes, asiatiques et hispaniques notamment, y sont parvenus en ayant recours à des particularités culturelles ou à des astuces narratives inédites. Pour l'écriture d'Insidious, l'Australien Leigh Whannell(2) a trouvé une idée relativement originale et "effroyablement" divertissante, celle du contrepied des récits de maison hantée (aussi anciens que le cinéma lui-même) et de possession maléfique. Sans déclencher un enthousiasme ni une angoisse incontrôlables, ce thriller produit par le trio Jason Blum-Oren Peli-Steven Schneider (les "pères" de la trilogie Paranormal Activity), présenté l'année dernière au TIFF puis à Sitges, mérite que l'on y prête attention.
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Josh Lambert, son épouse Renai et leurs trois enfants Dalton, Foster et la toute jeune Cali viennent d'emménager dans une grande et belle maison. Réveillée tôt, Renai est bientôt rejointe au rez-de-chaussée par son aîné qui a lui aussi mal dormi et déclare ne pas aimer sa nouvelle chambre. Ensemble ils tournent les pages d'un album-photo dans lequel Josh n'apparaît jamais. Restée seule, Renai tente de composer une chanson, Iinterrompue par les pleurs soudains de sa fille. Des bruits indistincts l'attirent vers le vieux grenier où la combustion périodique d'un poêle pourrait les expliquer. Le soir venu, Dalton y monte à son tour pour jouer. La marche d'une échelle en bois cède lorsqu'il y monte pour tirer le cordon de l'ampoule, provoquant sa chute. C'est la présence de quelque chose ou de quelqu'un qui motive les cris vers lesquels se précipitent ses parents, ignorant la cause réelle de la peur de l'enfant.
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Le lendemain matin, Dalton ne se réveille pas. Après une première série de tests à l'hôpital, le médecin ne peut diagnostiquer qu'un incompréhensible coma. Trois mois plus tard, Dalton toujours inconscient est ramené chez ses parents. Renai entend par le veille-bébé une étrange conversation d'abord chuchotée, ensuite plus forte suivie d'un retentissant "Donne !". Elle trouve Cali en pleurs mais seule dans sa chambre. Foster, au moment de se coucher, demande sans l'obtenir à changer de chambre, craignant son frère lorsqu'il marche pendant la nuit. Un bien tardif mais invisible visiteur frappe deux fois à l'entrée. Renai aperçoit fugitivement un individu derrière les rideaux de la chambre de Cali. La sonnerie de l'alarme suspend les vaines recherches de Josh. En bas, la porte est grande ouverte ; personne ne semble pourtant s'être introduit dans la maison.
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"It's not the house that's haunted." Une sentence interlocutoire (négative) qui dévoile l'un des ressorts trouvé par Leigh Whannell(3). Efficacement intrigué et décontenancé, le spectateur ne sait alors plus à quel fantôme ou démon se vouer. Jusqu'à la révélation de la clef qui, de façon curieuse et plutôt impertinente, coïncide avec l'introduction d'une tonalité comique, presque burlesque. Cette clarification causale, argument assez peu usité au cinéma(4), conduira d'ailleurs ensuite à plonger durablement les acteurs de ce drame suprasensible dans une intense obscurité. Les nombreuses références cinématographiques évoquées par James Wan et Whannell restent discrètes (à l'exception d'une scène empruntée à The Changeling). Le recours aux bonnes vieilles recettes, visuelles et sonores, contribue cependant à atténuer l'objectif de novation. La mise en scène de l'exploration du Lointain (Further) déçoit également un peu (un défaut de maitrise dont souffrait déjà Dead Silence). En revanche, les valeureux Rose Byrne et Patrick Wilson se montrent à la hauteur de leurs talents. Ce dernier retrouve au passage Ty Simpkins (avec lequel il avait tourné Little Children). La présence de Lin Shaye et d'Angus Sampson, en ghost buster bricoleur, constitue enfin un atout supplémentaire.
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1. 54M$ de recettes nationales auxquels s'ajoutent 38M$ à l'étranger (pour un budget de 1,5M$), c'est à dire proches de Saw (dans une configuration quasi identique, malgré un démarrage moins fort), inférieures cependant à celle des deux opus suivants de la série.
2. complice depuis le premier film de son compatriote réalisateur d'origine malaisienne, promoteurs ensemble de la franchise Saw et membres de l'officieux "Splat Pack" où figurent également Alexandre Aja, Darren Lynn Bousman, Neil Marshall, Greg Mclean, Eli Roth et Rob Zombie.
3. confirmée par la poursuite des phénomènes malgré un second déménagement.
4. aux évidentes connexions avec le chamanisme, lequel sous-tendait par exemple le scénario d'Enter the Void. Elle sert parfois de possible explication à la lycanthropie.

La Red (le filet)


"... Hay que haber lio."

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Sans être le plus connu ni le meilleur des films d'Emilio Fernández, La Red occupe une place particulière, significative dans la production du cinéaste mexicain. D'abord en raison de sa proximité avec la toute première réalisation de celui que l'on surnommait "El Indio". Ensuite parce qu'une rupture s'opère dans sa carrière avec ce drame, les deux périodes suivantes se révélant bien moins intéressantes que celle qui s'achevait là. Enfin grâce à la présence, charnelle et expressive, de l'actrice italienne Rossana Podestà(1) dont l'éclatante beauté classique en fera l'interprète de la princesse phéacienne Nausicaa dans l'homèrique Ulisse (aux côtés de Kirk Douglas) puis du rôle-titre d'Helen of Troy réalisé par Robert Wise. Mais aussi à la superbe photographie d'Alex Phillips(2) qui valut à La Red le "Prix international du film le mieux raconté par l'image"(3) à l'issue de la sixième édition du Festival de Cannes.
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Deux hommes font sauter à la dynamite la porte d'un coffre dans un entrepôt. Trois policiers interviennent rapidement, leurs tirs touchent l'un des malfaiteurs avant qu'ils ne soient froidement abattus. Incapable de s'enfuir, le blessé enjoint son complice de l'abandonner dans l'intérêt de Rossana. Celui-ci échappe à ses poursuivants en plongeant dans les eaux du port. Une belle et souriante jeune femme le retrouve sur une plage isolée. Installés dans une petite maison en bois qui surplombe l'océan, Antonio et Rossana vivent de la pêche d'éponges et de coraux vendus au village. Lorsqu'ils l'atteignent, au terme d'une longue marche, Antonio laisse Rossana y entrer seule, suivie du regard par la plupart des hommes qu'elle croise. En sortant, une fois ravitaillée, la bourgade, elle aperçoit José Luis en discussion avec le prêtre. Ce dernier, évadé de prison, se présente bientôt devant la cabane du couple. Antonio impose par la force l'hébergement de son meilleur ami à Rossana, laquelle a connu José Luis et l'aime peut-être encore, hostile à cet accueil. Pour empêcher le départ, la nuit venue, de la jeune femme, José Luis décide de s'en aller et de retourner au village.
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Une narration sobre et circulaire, des personnages essentiellement physiques, presque mutiques, La Red ne ressemble à aucun autre des grands mélodrames(4) d'Emilio Fernández(5), ni à ceux du maitre du genre mexicain Roberto Gavaldón. L'influence du cinéaste russe Sergueï Eisenstein transparaît régulièrement, celle du co-scénariste Neftali Beltrán aussi, en particulier à travers le culte, au moins formel, du corps qui y est rendu. Le film évoque étrangement deux productions nippones ultérieures, Kurutta kajitsu de Kô Nakahira par ses thèmes (possession, convoitise, désir...) et son audace. Hadaka no shima de Kaneto Shindô au dépouillement naturaliste assez comparable. L'indigénisme de Fernández le pousse naturellement à une sublimation romantique, laquelle reste néanmoins fidèle à sa peinture des grandes passions, de l'antagonisme des sentiments ou des impérissables oppositions (nature et civilisation, anarchie et ordre, passion et vertu, interdit et transgression). L'évidente charge érotique, quoique maitrisée, de La Red participe paradoxalement à ce processus lyrique dans lequel la bande musicale sert souvent de principal vecteur de dramatisation. Fernández réalisera d'ailleurs un remake intitulé Erótica (le nom de l'héroïne interprété par Rebeca Silva), son dernier et lui parfaitement oubliable film.
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1. née en Libye, celle qui avait été la fille du brigadier Bottoni (Aldo Fabrizi) dans Guardie e ladri était jusque-là plutôt méconnue à l'étranger.
2. appelé en 1931 à cinématographier Santa, le premier sonore mexicain, le chef-op. canadien s'était installé dans le pays officiellement révolutionnaire. Alex Phillips avait déjà éclairé le premier des deux films qu'il allait tourner avec Luis Buñuel.
3. récompenses rebaptisées par Jean Cocteau, président du jury à l'occasion de ce cru 1953.
5. l'ancien colonel et partisan du révolutionnaire Adolfo de la Huerta fut lui-même un évadé, contraint à l'exil aux Etats-Unis. Acteur, il est devenu un des acteurs fétiches de Peckinpah, titulaire notamment des rôles du général Mapache dans The Wild Bunch et d'El Jefe de Bring Me the Head of Alfredo Garcia... photographié par le propre fils et assistant d'Alex Phillips, Álex Jr.