lundi 25 août 2008

Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street (sweeney todd, le diabolique barbier de fleet street)


"... And he is the very last word in barbering."

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Quel cinéaste actuel peut enchaîner quatre très estimables films(1), à la fois différents et marquants, en seulement quatre ans ? Tim Burton, bien sûr ! Le co-réalisateur-scénariste de Corpse Bride nous prouve en permanence qu'il sait changer, se mettre en danger, nous surprendre... tout en restant constamment lui-même. En art, cela s'appelle souvent du génie. Il est vrai qu'avec cette surprenante tragédie (peut-être inspirée de faits réels) signée par le Britannique Thomas Peckett Prest au milieu du XIXe siècle et mainte fois adaptée sur scène et à l'écran, l'ancien enfant reclus, fan de Vincent Price, a dû se sentir dans un environnement assez familier. Récompensé cette année par deux "Golden Globes" (film et acteur principal), Sweeny Todd voyait un peu plus tard ses impressionnants décors gratifiés d'un "Oscar".
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Un navire arrive dans le port de Londres. En débarquent un personnage, sombre et un peu inquiétant, appelé Sweeney Todd et Anthony, un jeune matelot grâce auquel le premier a été repêché. Injustement arrêté et emprisonné quinze ans plus tôt par le juge Turpin qui convoitait alors sa belle et vertueuse épouse Lucy, Todd revient pour se venger de l'homme à l'origine de son malheur. A l'endroit où il exerçait sa profession de barbier sous le nom de Benjamin Barker, il rencontre Mrs. Lovett qui tient une pitoyable gargote spécialisée dans la tourte à la viande. Cette jeune veuve lui apprend le suicide de Lucy et le placement de leur fille nouvelle-née chez Turpin. Elle lui propose ensuite d'occuper le local au-dessus de son commerce. Un peu plus tard, Anthony, égaré dans Londres, aperçoit une belle jeune fille inconnue nommée Johanna à travers la fenêtre de sa chambre. Il s'en éprend aussitôt avant d'être rossé et menacé par le tuteur de celle-ci, le juge Turpin.
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Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street exhale un souffle d'une fétidité tragique, assurément lyrique mais aussi comique. Entre pesante fatalité shakespearienne et vivacité aux rebondissements quasi guignolesques (une influence d'ailleurs revendiquée par Burton), ce drame musical réussit une étonnant mixtion de genres tout en restant parfaitement intelligible et, si l'on peut dire, plaisant. Cette version de la comédie musicale(2) créée à Broadway par Stephen Sondheim en 1979 ne ressemble à aucune autre(3), ne pouvant souffrir, pour cela, d'une éventuelle et improbable comparaison. La mise en scène, spectaculaire à souhait, est remarquablement maîtrisée. Et le couple Johnny Depp-Helena Bonham Carter, réuni pour la deuxième (troisième si l'on compte les voix !) fois par le compagnon de celle-ci, fonctionne à merveille... dans un registre évidemment très éloigné de celui créé auparavant par Len Cariou-Angela Lansbury. Belle prestation également des acteurs secondaires, les excellents Londoniens Alan Rickman et Timothy Spall ainsi que de Sacha Baron Cohen dans une trop brève apparition en signor Adolfo Pirelli/Davey Collins.
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1. et, par la même occasion, faire presque oublier un remake de science-fiction raté.
2. elle-même tirée de la pièce de Christopher Bond de 1973.
3. parmi lesquelles la première adaptation au cinéma, en 1926 et aujourd'hui perdue, avec G.A. Baughan dans le rôle-titre ou encore celle de George King (1936) avec Tod Slaughter et Stella Rho en tête d'affiche.

Peur(s) du noir


"... Il faut aller au bout de ton rêve si tu veux guérir... guérir..."

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Difficile de sortir le court métrage d'animation de la relative confidentialité dont il pâtit depuis désormais trop longtemps. Dissuadé par le coût du format (métriquement) supérieur, les producteurs ou les diffuseurs optent souvent pour des compilations plus ou moins homogènes. Tel n'est pas le cas pour Peur(s) du noir, conçu comme un projet unique autour d'une thématique, même vague, commune. L'idée originale des animateurs de Prima Linéa (U de Grégoire Solotareff) étant d'y associer quelques auteurs et illustrateurs reconnus de la bande dessinée actuelle. "Film surprise" de la sélection officielle (hors compétition) du Festival de Rome 2007, présenté à Sundance et à Gérardmer, Peur(s) du noir mérite véritablement d'être mis... en pleine lumière.
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1. Collectionneur fasciné d'insectes dans son enfance, Eric rencontre Laura à l'université. Ils deviennent rapidement amants mais l'aspect et le comportement de la jeune femme, mystérieusement blessée au bras après leur première nuit d'amour, changent progressivement. 2. Sumako Hawakawa, arrivée en cours d'année de l'étranger, découvre sa nouvelle d'école. Ses camarades de classe lui annonce, sur le ton de la moquerie et de la menace, la prochaine visite du samouraï Hajime. 3. Une série de disparitions, incluant son oncle, inquiète les habitants du village où vit le narrateur. D'après l'ami de celui-ci, elle serait probablement provoquée par une créature monstrueuse venue du ciel et tapie dans les marais. 4. Pour s'abriter d'une tempête de neige, un individu pénètre dans une maison inoccupée. Il trouve une bouteille de spiritueux, réussit à allumer un feu puis prend un peu de repos en regardant un album-photo trouvé sur place. La plupart des clichés montre un ou plusieurs personnages dont le visage a été découpé.
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La peur (pas forcément du noir) et le fantastique sont les dénominateurs communs de ces segments (non destinés aux enfants !!) réalisés par Charles Burns (auteur de la série de B.D. "Black Hole"), par Marie Caillou ("Marika et le loup" dans Loulou et autres loups) avec le scénariste Romain Slocombe, par Lorenzo Mattotti ("Feux") en collaboration avec Jerry Kramsky et par Richard McGuire ("Micro loup" dans Loulou et autres loups) avec Michel Pirus*. Parties auxquelles s'ajoutent l'épisodique histoire de l'homme aux quatre chiens de Blutch ("Péplum") ainsi que les intermèdes illustrés par le graphiste-typographe Pierre di Sciullo narrés par Nicole Garcia. Chacun des artistes, à travers ses singularités narratives, visuelles et technico-stylistiques, nous fait pénétrer dans l'inconnu successif de leur univers imaginaire particulier, aux libres et très différentes inspirations culturelles, littéraires et cinématographiques. Cet ambitieux projet, même s'il n'atteint pas les objectifs auxquels il pouvait prétendre, constitue, sans nul doute, une œuvre qu'il faut encourager et une démarche qu'il faudrait renouveler.
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*auteur de "Rose Profond" avec Jean-Pierre Dionnet et des "Désarmés" avec Mezzo.

jeudi 21 août 2008

Pékin Central


"Tu sais Albert Londres, le journaliste que t'admires tant, (...) ben lui serait resté."

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Cinq ans après avoir débuté au cinéma comme co-scénariste de deux drames signés par son père Alain Cavalier (et actrice dans le premier d'entre eux), Camille de Casabianca décide de passer à la réalisation en produisant, avec Bernard Verley, le premier film de fiction occidental jamais tourné en République populaire de Chine. Convolution d'un carnet de voyage et d'une comédie sentimentale (extra-conjugale !), Pékin Central mettait en vedette l'ex-globe-trotter Yves Rénier aux côtés de la jeune Christine Citti et de Marco Bisson à l'aube de leur carrière... ainsi que plusieurs centaines de figurants (in)volontaires.
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Le journaliste Yves Barnier insiste auprès de sa maîtresse Valérie Mareuil pour qu'elle l'accompagne pendant un mois en Chine où il doit réaliser un reportage sur les trains. A l'aéroport, la jeune femme découvre que l'invitation n'a rien de réellement romantique puisque le couple illégitime voyage au sein d'un groupe auquel s'est joint Bruno Decugis, le photographe du journal de Barnier. Entre infortunes de transport ou d'hébergement et autres déconvenues diverses et variées, le climat se détériore rapidement entre les amants. D'autant que l'égocentrique Barnier se montre moins disponible et attentionné que Valérie ne l'aurait souhaité.
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Pour fixer les idées, disons que, autour d'un axe cinématographique, Pékin Central et Les Tribulations d'un chinois en Chine occupent des positions diamétralement opposées. Les mésaventures amoureuses et touristiques de la gentille Valérie, interprétée avec beaucoup naturel par Christine Citti, ne peuvent être vraiment qualifiées de palpitantes. L'intérêt véritable de ce premier long métrage repose sur deux éléments. D'abord d'avoir été filmé par Raymond Depardon, une première pour ce grand photographe et cinéaste "documentaire" au service d'un autre réalisateur. Le second, en constituant un inattendu et estimable témoignage, entre permanence et évolution, sur la Chine de Deng Xiaoping à la fin des années 1980, en particulier au moment où des images de ce pays et de Beijing, récemment au cœur de l'actualité, nous parviennent en très grande quantité.