mardi 29 mai 2007

Flags of Our Fathers (mémoires de nos pères)


"... Plus grande que nature."

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De Clint Eastwood, le renommé écrivain Norman Mailer, auteur à partir de sa propre expérience de la guerre du Pacifique de The Naked and the Dead, envisageait qu'il soit le plus américain de ses compatriotes. Cette "élection" superlative légitimait-elle, a priori, le diptyque consacré par son cadet à un épisode emblématique de la sanglante bataille d'Iwo Jima ? Avec la plus historique de ses productions, le réalisateur oscarisé à deux reprises confirme en tout cas l'un des principes qui semble le guider, "tenter différemment". Inspiré symboliquement par la célèbre photographie pour laquelle Joe Rosenthal reçut en 1945 le "Prix Pulitzer", Flags of Our Fathers (avec lequel Sands of Iwo Jima de John Wayne ne partage que le contexte) est l'adaptation de l'ouvrage signé par James Bradley, le fils du l'infirmier de la Navy dont l'histoire est relatée, et Ron Powers publié en 2000. Titulaire des droits et premier initiateur d'un projet de film, Steven Spielberg renoue à cette occasion, après The Bridges of Madison County, une nouvelle collaboration de production avec Eastwood.
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John Bradley sort brusquement du rêve où il se voyait, un demi siècle plus tôt, au milieu d'un sonore mais étrangement désert champs de bataille. Ce paisible entrepreneur de pompes funèbres est victime, un peu plus tard, d'une attaque cardiaque, répétant sans raison apparente "Où est-il ?" à l'employé venu l'aider. Quelques jours après sa prise, le 23 février 1945, la photographie* montrant six soldats hisser le drapeau des Etats-Unis au sommet du mont Suribachi est publiée dans tous les quotidiens nationaux. L'état-major de l'armée associé au pouvoir politique veulent utiliser cette image pour convaincre la population de financer le lourd effort de guerre. Le fringant 1er classe René Gagnon, l'effacé et alcoolique Amérindien Ira 'Chief' Hayes et le laconique infirmier John 'Doc' Bradley se prêtent à cette opération commerciale... tout en livrant une autre bataille à leur conscience.
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Formidable Eastwood ! Cet acteur de genre devenu un cinéaste complet et largement récompensé n'en finit pas de nous étonner. Très bientôt atteint par l'âge limite des lecteurs d'un fameux hebdomadaire de bande dessinée, Mr. Clint continue d'œuvrer (vocable choisi délibérément) avec passion, prend des risques pour nous livrer de remarquables films qui savent, en outre, nous questionner. Son père ouvrier sidérurgique, qui lui avait prodigué un précieux conseil**, serait probablement très fier de son rejeton. Le récit et l'épopée historiques sont évidemment secondaires. Tout en rendant, par son réalisme stylisé, la guerre profondément abjecte (encore une accointance avec Mailer), Flags of Our Fathers s'interroge avec finesse sur l'obscurité de certaines pages de l'existence et sur l'héroïsme. Vous serez peut-être déroutés par la volontaire déstructuration de la narration, mais elle sert la logique d'investigation et de réminiscence du roman originel. Comme dans ses récentes productions, Eastwood et ses scénaristes placent l'homme au cœur de ces drames personnels doublés d'une tragédie collective. Le film s'appuie également sur une réalisation et des interprétations solides. Bref, un monument de plus de quatre heures (y compris Letters from Iwo Jima) qui fait vraiment aimer le cinéma.
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*intitulée "Raising the Flag on Iwo Jima".
**"Montre leur ce que tu peux faire et ne te préoccupe pas de ce que tu obtiendras. Offre de travailler gracieusement et rends toi inestimable."

lundi 21 mai 2007

Inside the Actors Studio (actors studio)


"Une fois dans le rôle, on peut tout faire." (Clint Eastwood)

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Conçu à l'origine comme une série de leçons de cinéma destinée aux étudiants de l'Actors Studio Drama School, Inside the Actors Studio est devenu l'un des talk-shows les plus populaires et intéressants de la télévision US. James Lipton, vice-président du célèbre Actors Studio* et co-fondateur** en 1994 de l'ASDS à la New School University de Greenwich Village (Manhattan, NYC), en est l'initiateur. L'émission est diffusée depuis juin 1994 sur le réseau câblé Bravo, par Paris Première en France à partir de 2000.
Le principe de l'émission est simple. Un acteur ou réalisateur de premier plan est invité par Lipton à parler de son métier, de sa carrière et à répondre aux traditionnelles dix questions de Bernard Pivot puis à celles du public présent dans le John L. Tishman Theatre. La séance se prolonge généralement, après un modeste goûter, dans une salle de classe où des étudiants interrogent leur enseignant d'un jour, formule abandonnée par la suite dans cette configuration.

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Paul Newman (août 1994*** - 58'), figure incontestée du panthéon hollywoodien et par ailleurs président de l'Actors Studio, est le premier participant à Inside the Actors Studio. Il évoque avec humour et une modestie non feinte ses limites et ses atouts de comédiens. Cérébral, laborieux, il est amené à parler de plusieurs de ses films, notamment Somebody Up There Likes Me, The Long, Hot Summer, Hud, The Left Handed Gun, Butch Cassidy and the Sundance Kid, The Verdict, The Color of Money, de ses collaborations avec Kazan, Ritt et Scorsese ainsi que de son dernier tournage, Nobody's Fool en présence de Robert Benton.

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Robert Redford (janvier 2005 - 90'), partenaire à deux reprises de Newman, révèle son intérêt précoce pour la mythologie et son médiocre parcours scolaire et universitaire. Il raconte les circonstances (après un long séjour en Europe, en particulier en France et en Italie, pour y devenir artiste et son inscription par hasard à l'American Academy of Dramatic Arts), qui l'ont amené à devenir acteur. Il mentionne également la pénible expérience de la distribution de Downhill Racer qui l'a très tôt poussé à se tourner vers le cinéma indépendant. L'entretien souligne plusieurs de ses prestations, Butch Cassidy and the Sundance Kid Jeremiah Johnson, The Way We Were (illustré par un extrait de l'émission avec Barbra Streisand), The Sting, l'occasion d'insister sur la collaboration et l'amitié avec Newman. Autres films abordés : The Great Waldo Pepper et la cascade sur l'aile de l'avion, All the President's Men, Ordinary People son premier film en tant que réalisateur, The Natural, Out of Africa, The Milagro Beanfield War, A River Runs Through It, Indecent Proposal, Quiz Show, The Horse Whisperer, The Legend of Bagger Vance, An Unfinished Life. La dernière partie est consacrée au Sundance Institut.

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L'émission quitte son site habituel pour rencontrer Clint Eastwood (octobre 2003 - 90') au Geffen Playhouse de Westwood (LA). L'ancien maire de Carmel, interrogé sur son mandat en fin d'entretien, vient de terminer la post-production de Mystic River. En rappelant son enfance, il insiste évidemment sur le rôle de la musique et sur sa timidité presque maladive mise à mal par une professeur d'anglais qui lui proposait son premier rôle. Son apprentissage comme figurant chez Universal puis sa participation à la série Rawhide précédent naturellement la trilogie leonienne (Per un pugno di dollari, Per qualche dollaro in più et Il Buono, il brutto, il cattivo) qui a contribué à lancer sa carrière. Hang 'Em High est l'occasion d'évoquer la création de Malpaso, sa société de production, Coogan's Bluff le début de sa collaboration avec Don Siegel (poursuivie notamment avec The Beguiled et Dirty Harry), Play Misty for Me son passage derrière la caméra (High Plains Drifter à propos duquel il est interrogé sur le travail avec ses direct. de la photographie, The Outlaw Josey Wales, Bird, Unforgiven et The Bridges of Madison County). James Lipton essaie également de mettre en évidence le certain mysticisme qui caractérise les personnages de western incarnés par son invité.

Barbra Streisand (mars 2004 - 90')
Si les entretiens sont intéressants et sympathiques, notamment grâce à l'humour des participants, on regrette la solennité un peu affectée de l'hôte et le manque de percussion ou le caractère souvent trop général des questions posées.
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*école créée en octobre 1947 par Cheryl Crawford, Elia Kazan et Robert Lewis pour transmettre la méthode mise au point par Constantin Stanislavski et dirigée entre 1951 et 1982 par Lee Strasberg.
***date de première diffusion télévisée.